Chacun a fini de peindre son masque. Il aura fallu recouvrir son visage de poudre, effacer son relief, ses ombres, son identité, avant d’en dessiner un autre ; cet autre que l’on connait si bien, que l’on se plait à retrouver les soirs de spectacle. Il aura fallu lui dessiner des angles, lui apporter de la lumière, lui ajouter un grain de beauté ou des tâches de rousseur ; il aura fallu tracer deux sourcils chimériques pour encadrer cet autre regard. Et puis il aura fallu peindre de nouvelles lèvres pour pouvoir parler la langue de la scène.
On se reconnaît enfin, après ces longues préparations, dans cet autre visage. On retrouve le port de tête qui lui correspond, et par là même, toute la démarche qui le soutient. C’est qu’il faut pouvoir le porter ce masque ; et certains soirs il semble que son argile soit trop sèche et qu’il se décolle malgré nous, alors « on est pas dedans ».
À la fin de l’office, il sera déposé, tout entier, sur une lingette qui lui tiendra lieu de suaire. Il parait que certains les achètent.